Toits en pente…

« Ce sont les lois de la Nature. En cas de fortes précipitations, il est nécessaire d’installer des toits avec des gouttières et non pas des toitures terrasses. Nous ne sommes pas en Amérique latine, en Afrique, en Espagne ou dans le sud de l’Italie, les conditions atmosphériques et météorologiques sont différentes et l’architecture doit prendre en compte tous ces éléments. »  (Jean-Didier Berger, Conseil municipal du 26 janvier 2018)

M. Berger aurait dû se dispenser de cette affirmation, qui ne fait que démontrer une fois de plus son ignorance, justement dans un domaine où l’on pourrait s’attendre à un minimum de culture chez un élu local, de surcroit responsable de sociétés d’aménagement et d’urbanisme. D’abord parce que notre climat, même si malheureusement il se dégrade, n’est pas parmi les plus humides des régions qu’il cite. Ensuite parce que la nécessité d’évacuer les eaux pluviales n’est pas forcément résolue par des toits en pente, Louis XIV à Versailles le savait déjà il y a trois siècles et demi !

Sur le principe, en matière d’architecture on peut d’abord regretter que le pouvoir politique ait la prétention d’imposer un style ou une forme. Que les choix des élus et leurs goûts personnels se manifestent et s’expriment dans les jugements de concours, cela est normal et inévitable. Mais qu’ils prétendent les imposer en donnant des directives pour tout ce qui doit se construire dans leur circonscription, cela amène à la production de ce que l’on peut appeler une architecture « stalinienne », et les exemples ne manquent pas hélas autour de nous.

Alors pourquoi imposer une façon de couvrir nos immeubles ? Le recours à l’architecte, même réduit et menacé, existe encore et c’est heureux. C’est lui qui pourra définir en concertation avec son maître d’ouvrage quelle sera la meilleure solution, tenant compte de tous les éléments techniques, esthétiques, économiques et environnementaux.

Sous notre climat et sur le plan technique, le choix entre une couverture en pente ou en terrasse ne doit pas être dicté par des règlements ou des caprices de responsables politiques, mais par les fonctions annexes que cette couverture va pouvoir assurer. Aujourd’hui, la couverture d’un bâtiment peut servir à tout autre chose qu’à protéger les occupants de la pluie, mais aussi à isoler du froid, à récupérer de la chaleur, de l’énergie et même de l’eau pluviale. Une terrasse pourra être végétalisée et accessible comme un jardin, tandis qu’une couverture en pente  bien orientée sera garnie de capteurs solaires, thermiques ou photovoltaïques. Enfin l’étude du jeu des formes diverses, des volumes et des pentes satisfera l’œil du spectateur et ajoutera une qualité plastique aux nécessités fonctionnelles.

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Enfin ajoutons (bien qu’à mon avis ce critère n’ait que peu de valeur) qu’il n’existe aucune raison culturelle ou historique qui puisse imposer une préférence. Toute l’histoire de notre architecture a vu alterner des modes successives, à partir de la Renaissance les toits en pente ont cédé la place à des terrasses, Philibert Delorme et François Mansart ont su élégamment combiner les volumes pour mieux les utiliser, à l’époque moderne le fer, le béton et les matériaux contemporains permettent de surmonter tous les problèmes de structure et d’étanchéité et ouvrent le champ à une liberté infinie de formes.

Jean-Claude Boussat

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3 réponses à Toits en pente…

  1. Philippe Moreau dit :

    Bonjour,
    en préambule, pour être franc l’agressivité systématique de vos propos envers le maire me gêne, se doit on d’être aussi incisif pour faire valoir ses idées ? Un argumentaire raisonné et sans coloration émotionnelle me semble plus efficace pour convaincre son auditoire.
    Concernant les toitures, qu’il y ait des règles me paraît une bonne chose pour donner une harmonie générale à la commune. Evidemment ces règles d’urbanisme mériteraient d’être définies démocratiquement.
    Cordialement
    Philippe

    • CCadminWP dit :

      Nous vous remercions de votre commentaire.
      Nous sommes cependant très surpris de la critique de votre préambule. Nous trouvons cet article précisément très argumenté.
      Nulle agressivité de notre part, mais le constat d’une ignorance de la part du maire, factuellement démontrée.
      Êtes-vous déjà venu au conseil municipal ? Nous y subissons, de la part du maire, une agressivité et un mépris croissants. Malgré tout, nous nous efforçons de conserver le ton mesuré que nous avons décidé d’adopter dès le début de la mandature.
      Sur l' »harmonie générale » de Clamart, nous considérons plutôt que le charme de notre ville tient justement à la diversité des constructions, diversité qui renvoie aux différentes époques de son évolution.
      A part sous les régimes totalitaires, le but des règles d’urbanisme n’est pas d’imposer un style d’architecture, mais de définir un aménagement équilibré et cohérent de la ville. En prévoyant la coexistence des zones de résidence et des différents secteurs d’activités, en réservant les espaces nécessaires pour créer les équipements publics, l’urbanisme rend la ville possible et vivable.
      L’esthétique est un autre domaine, c’est celui des architectes. L’idée de privilégier les couvertures en pente, sous quelque angle qu’on l’aborde, est une ineptie. D’abord sur le plan technique, car toutes les couvertures sont en pente, même les terrasses, et l’écoulement des eaux pluviales y est toujours assuré. Ensuite, si l’on veut parler de couvertures dont la pente est assez accentuée pour donner un caractère à l’architecture, et dont les matériaux sont choisis à cet effet (toits en tuiles, en ardoises, …), cette pente n’est plus perceptible dès lors que l’immeuble est un peu élevé : les lois de la perspective s’imposent à tous sans être le résultat d’un arrêté municipal.
      Il y a des exemples célèbres : l’attique orné de balustres qui couronne la Colonnade du Louvre, le palais Galliera ou la place de la Concorde suggère une terrasse ou une couverture à faible pente que les architectes ont souhaité faire oublier. C’est leur métier de définir les formes de la ville ; ils ont les connaissances nécessaires pour cela, et ils savent que le Beau ne se décrète pas avec des prescriptions règlementaires.
      Et si en la matière il peut y avoir utilité à imposer certaines dispositions, de notre point de vue ce serait justement de proscrire les combles inutiles et de promouvoir des couvertures végétalisées et la récupération des eaux pluviales.

  2. Coutard dit :

    Des p’tits trous, toujours des p’tits trous.
    Dernières nouvelles de la meule de gruyère: L’immeuble du 50/52 avenue Jean Jaurès a été évacué hier en urgence par la PM. En cause, les trois niveaux de sous-sol du chantier voisin en cours de creusement. L’immeuble a eu un petit coup de fatigue et s’est affaissé avec des fissures de 14 mm. Aucun occupant ne peut accéder à son logement.
    Alors, le bétonnage ? On continue ?

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