Commémoration du Génocide Arménien – Istanbul 24 avril 2015

 

Pour le centenaire du génocide des Arméniens, Philippe Antzenberger a participé aux commémorations organisées à Istanbul, là même où ont eu lieu les arrestations d’intellectuels arméniens vivant dans cette ville.
Des événements étaient organisés toute la semaine par diverses organisations, turques et étrangères: concerts, conférences, rassemblements, manifestations….

Militant de la cause arménienne, je ne voulais pas laisser passer le centième anniversaire du génocide de 1915 sans aller exprimer ma revendication de la reconnaissance du génocide par la Turquie à Istanbul même, « là où tout a commencé dans la nuit du 24 avril 1915 ».

DSC07073bPar mon appartenance à la gauche radicale et internationaliste française, j’avais des contacts dans la gauche radicale et internationaliste turque. J’ai donc participé à trois commémorations le 24 avril 2015 aux côtés de militants de gauche turcs, arméniens ou non.

Le matin, en plein centre touristique de la ville, en face de la fameuse Mosquée bleue, il y avait un rassemblement devant le bâtiment qui en 1915 était le centre de détention où les intellectuels turcs arrêtés le 24 avril au soir ont été conduits. Ce rassemblement, assez formel, était peu nombreux (environ 200 personnes) dont pas mal de Français; essentiellement d’origine arménienne.

DSC07626brL’après-midi, au cimetière arménien de Şisli, nous étions un millier à nous recueillir devant la tombe de Sevag, un jeune homme tué récemment, le 24 avril 2011, parce qu’il était Arménien, pendant son service militaire, par un militant d’extrême droite, militaire appelé lui-aussi. Cet acte raciste démontre que la compréhension actuelle dans les milieux d’extrême droite est que « la chasse est toujours ouverte ». Dans la foule, massivement habillée en noir, beaucoup d’émotion et, là encore, pas mal d’originaires d’Arménie, Français, Anglais, Américains, Belges, etc. Mais une grosse majorité de Turcs, Arméniens ou non. La famille de la victime était très digne et son attitude donnait de la force.

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Le soir, dans la rue piétonne Istiklal, lieu habituel des manifestations militantes à Istanbul, nous étions environ 5 à 6000, ce qui selon mes amis sur place constitue une belle réussite. Les slogans étaient très radicaux, très politiques et très « modernes ». En effet, le mouvement social et la gauche turque placent le génocide arménien non pas comme un monument du passé mais comme un élément de l’avenir. C’est par la reconnaissance du génocide des Arméniens de 1915 que la Turquie peut arrêter de penser de façon schizophrénique qu’elle est un État à la fois laïque et musulman, qu’elle est un État purement turc et, à la fois, peuplé de millions de Kurdes, d’Arméniens, de Circassiens (Tcherkesses) et bien sûr d’autres encore, qu’elle est, à la fois, un État musulman et le meilleur soutien d’Israël dans la région, qu’elle est, à la fois, en guerre contre les barbares de Daesh mais complaisante avec eux.

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Pour moi, c’était très enrichissant de voir que l’exigence de la reconnaissance du génocide arménien n’est pas une affaire seulement arménienne. En Turquie, là où cela s’est produit, la reconnaissance de ce fait historique est demandée par une bonne partie de la gauche. Pour toute cette frange de population il est évident que la reconnaissance du passé aiderait à vivre des millions et des millions de Turcs, en plus des Arméniens.

On pourrait croire à une démonstration de la schizophrénie de l’État en voyant le comportement de la police pendant cette journée. En effet, le matin devant la prison et le soir pendant la manifestation, la police a clairement protégé les manifestants de la cause arménienne contre plusieurs groupes ultra-nationalistes visiblement violents et venus pour en découdre. La police de l’État protège donc une manifestation de gens qui disent le contraire de la parole officielle de l’État et réprime les groupes ultra-nationalistes qui, eux, expriment directement la parole officielle de l’État. En fait, Erdoğan, le président turc, n’est pas schizophrène. Il savait que le centenaire du génocide des Arméniens était un événement extrêmement surveillé par les médias de tous les pays. Il ne fallait donc pas qu’il y ait de violences imputables à l’État.

Philippe Antzenberger

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