Couloir de bus avenue Jean-Jaurès…

Notre nouveau Maire, élu avec une confortable majorité au premier tour (11 652 personnes ont voté pour lui sur 52 731 habitants) est quelqu’un de bien. Depuis son arrivée à la mairie il ne cesse de répéter qu’il a été élu sur un programme qu’il compte bien mettre en œuvre. Par les temps qui courent, cela fait du bien de voir un homme politique respecter ses engagements. On reconnait bien là les valeurs de l’UMP 92 avec ses leaders (Pasqua, Balkany, Sarkozy) pétris d’honnêteté et œuvrant pour l’intérêt de tous.

Dans son programme -page 10- à la rubrique « Transports, voirie, circulation, stationnement » le slogan est « retrouvons de l’oxygène ». Quelle bonne idée ! Nous allons enfin pouvoir nous déplacer librement sans frôler les murs, dans le calme, en respirant un air pur. Monsieur Berger a compris que dans les villes, la place est maintenant aux transports en commun, aux piétons, aux cyclistes, aux trottinettes… Que l’espace est restreint et que la voiture individuelle n’est plus la solution d’avenir. Qu’il faut partager ses moyens de déplacement (autopartage, Autolib, location courte durée…).

Toujours à la page 10 de son programme Monsieur Berger nous annonce au chapitre « Commerce » vouloir en soutenir la vitalité. Super. Je suis pour. J’aime aller faire mes courses près de chez moi, discuter avec les commerçants, me tenir au courant de l’actualité clamartoise…

Patatras. Dernièrement j’ai appris qu’au cours d’une réunion publique à laquelle je n’ai pas pu assister car elle a eu lieu bien trop tôt pour quelqu’un qui travaille, Monsieur Berger allait réduire la largeur du couloir de bus de l’avenue Jean-Jaurès et y implanter des places de stationnement pour voitures, en épi (en épi, comme le blé qui se dore au soleil en été et qui sent bon, quel écolo ce Jean-Didier !). Mais pourquoi donc ? Fini l’oxygène et le soutien aux commerçants ?

Depuis les années 1980 (1980, année de naissance de Jean-Didier) le monde occidental développé s’est rendu compte qu’il faisait fausse route en privilégiant l’automobile dans les villes. Que le tout-automobile nous conduisait droit dans le mur. Que ça allait prendre du temps, mais qu’il fallait revoir les modes de déplacement. L’Allemagne lance des politiques de modération de la circulation, l’Italie des zones de trafic limité… Tandis que la France, en 1990 seulement, baisse la limitation de la vitesse en ville à 50 km/h et introduit les zones 30 pour apaiser la circulation, des programmes d’aménagements cyclables sont lancés, des couloirs de bus sont créés pour fluidifier leur trafic, etc.

Pourquoi les couloirs de bus à Clamart sont-ils si larges ? Jean-Didier a raison. Il ne s’agit pas de supprimer les couloirs de bus mais de réduire leur largeur, et, du coup, avec toute la place gagnée, d’élargir les trottoirs. Euh, non… En réalité, il s’agit d’y stationner des voitures pour faire ses courses !

Les couloirs font 4,30 m pour une raison très simple : permettre aux cyclistes de les emprunter. Cette largeur est une recommandation de l’ex-CERTU qui garantit aux vélos et aux bus de pouvoir cohabiter. La réduire aurait pour conséquence d’interdire ces couloirs aux vélos ou du moins de rendre la cohabitation difficile.

Bon, OK, c’est pas cool pour les vélos, mais les nouvelles places de stationnement, c’est bon pour le commerce ! Hélas, non. Les centres commerciaux ont été créés pour faire ses courses en voiture, les centres villes non. Comment je le sais ? Lisez :

Dans les années 1980 et 1990, la plupart des Français sont désormais persuadés qu’il est impossible de faire les courses autrement qu’en voiture, alors même qu’aux Pays-Bas, elles sont faites couramment à bicyclette. Même les commerçants modestes sont convaincus qu’un accès facile en voiture est essentiel pour la réussite de leur affaire et rêvent de clients à fort pouvoir d’achat, pouvant venir de loin et capables de transporter de grandes quantités, donc forcément motorisés. Toute réduction du trafic automobile ou des places de stationnement est, dès lors, vécue comme une remise en cause de leur travail acharné pour parvenir à conquérir et fidéliser une clientèle.

Les études qui s’intéressent, dans différents pays, aux modes de déplacement des clients révèlent une réalité assez différente. Elles ont été conduites séparément dans plusieurs pays européens –Allemagne, Autriche, Belgique, Pays-Bas…– et parviennent pourtant à des résultats concordants, que l’on retrouve également en France. L’étude française* menée dans des commerces de centre-ville et de proximité auprès de 1 300 clients, en 2003, montre que les piétons et dans une moindre mesure les cyclistes sont d’abord des clients bien plus fidèles que les automobilistes, car, étant limités dans leurs déplacements, ils n’ont pas la tentation permanente d’aller voir ailleurs. Dans chaque commerce, ils dépensent certes, en moyenne, un tiers de moins par visite, mais les cyclistes et les piétons viennent respectivement deux ou trois fois plus que les automobilistes. Si bien que les cyclistes dépensent, en moyenne, par semaine, 12 % de plus et les piétons 86 % de plus que les automobilistes.

(Frédéric Héran, Le Retour de la bicyclette, édition La Découverte, p. 119)

*Marie Brichet et Pierre Héran, piétons et cyclistes dynamisent les commerces de centre-ville et de proximité. Etude réalisée pour la Fubicy et financé par l’Ademe, le ministère de l’équipement et des transports et le ministère de l’écologie et du développement durable, 2003.

Dernièrement je me déplaçais à Genève pour raisons professionnelles (je n’ai pas de lingots d’or ni de comptes bancaires cachés) : cette ville est très commerciale et fréquentée par une population à fort pouvoir d’achat où l’on peut croiser des automobiles très haut de gamme.

AJJ_Dscn3128 Quelle est la particularité de Genève en dehors du lac ? La rue la plus commerçante de la ville appelée « rue du commerce » est interdite aux voitures. Seuls les piétons, les vélos et le tramway l’empruntent. Ils sont fous ces Helvètes ? Non, ils ont simplement tout compris et sont, eux, pour le dynamisme de leurs commerces.

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Jean-Didier a de bons slogans politiques et est un jeune loup de la politique. Son problème est dans les solutions qu’il compte mettre en place : développer la place de la voiture en centre-ville va à l’encontre du développement du commerce et du bien-être de ses habitants. Cette notion date de son année de naissance ; il est temps pour lui de mettre à jour son logiciel.

Patrick Delavier

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4 réponses à Couloir de bus avenue Jean-Jaurès…

  1. Zaharia dit :

    Bravo

    Pour ces réflexions convaincantes !
    Comment faire pour que, parmi les commerçants de Clamart, ceux qui ont réclamé aux maires cette mesure malencontreuse… soient éclairés comme nous le sommes, grace a Clamart Citoyenne ?! Pour qu’ils puissent se rendre compte qu’ils… se tirent une balle dans le pied ? !

    Autre aspect de la question: Si certains commerçants sont convaincus, que ces travaux seront favorables à leur chiffre d’affaires, pourquoi ne pas leur demander une participation aux frais ?

    S’il suffit de demander pour obtenir… bien que je ne sois pas commerçant… (donc peu susceptible de montrer à mes clients… le « bon choix », comme disait Giscard), je demande des trottoirs plus larges et mieux entretenus !

  2. claude Pernot dit :

    Quelques questions supplémentaires pouvant servir au débat et quelques commentaires :

    A quelle date a été refaite cette voie de circulation (récemment me semble-t-il) ?
    Par quels organismes cette réfection a-t-elle été financée ?
    Quels sont les maitres d’œuvre et les maitres d’ouvrage de cette réfection ?

    D’autres part concernant ce nouveau projet :
    Comment seraient financés les nouveaux aménagements, sous quels délais, et par quelles entités ?

    Dans les années 1900 – 1920 il existait un tramway qui arrivait à la mairie de Clamart et qui empruntait l’avenue Jean Jaurès …

    Mes grands parents se sont installés à Clamart dans les années 1920/25 à cause de l’existence de ce tramway et de la promesse du métro au niveau du Jardin Parisien …

    Bon, on attend les prochaines élections ou on fait autre chose ?

  3. Joel Gresle dit :

    Ce sujet est très intéressant et montre un fois de plus qu’un bon maire se doit aussi d’être un bon analyste et doit s’avoir s’entourer de vrais professionnels. Je ne parle pas ici de nos agents municipaux qui mettent en oeuvre la politique mais bien des conseillers municipaux: sur quelle étude marketing s’est-on basée pour définir ce projet? A-t-on une connaissance même approximative de la hausse des recettes par nombre de places créées? A-t-on lu les études citées dans le texte d’origine? A-t-on un retour d’expérience sur d’autres villes similaires? J’en doute très fortement. La solution à un problème se situe avant tout dans une analyse approfondie de ce dit problème.
    Par ailleurs, si nous regardons la situation géographique de notre petit commerce, nous nous apercevons qu’il est dans la rue piétonne ou à proximité. Combien de place va-t-on vraiment gagner?

    Croire de plus que le tout Clamart va se précipiter pour aller chez son petit commerçant du centre est une erreur. Le principe du petit commerce réside dans son deuxième nom: commerce de proximité. Celui ci doit être proche des gens, c’est celui qui est en bas de chez soi et non celui où l’on va tourner en voiture pour trouver la place la plus proche. L’exemple le plus criant est le commerce place Aimé Cézaire qui pourtant avait des places de parking à profusion. pourquoi prendre sa voiture pour aller sur la place alors que Velizy 2 est à coté? La chute du petit commerce est avant tout lié à 2 phénomènes: internet et la crise. Le petit commerce doit se réinventer. Mettre des places de parking, c’est comme acheter une très belle enseigne au maréchal ferrant alors que le 1er concessionnaire automobile vient de s’installer.

  4. Indignée dit :

    M.Berger ne s’ appuie sur aucun chiffre,( voir chiffres réels de la délinquance et mesures prônées à Clamart), aucune expérience ailleurs et il se fout de l’avis éventuel de ses administrés. Il se contente des avis de ceux qui l’adulent et il a été élu donc c’est lui le meilleur. Il peut faire ce qu’il veut avec sa ville playmobil. Un point c’est tout!

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