Faire grève n’est pas une fête !

Le droit de grève a été acquis chèrement. Il est inscrit dans la constitution : « c’est une cessation collective et concertée du travail destinée à appuyer des revendications d’ordre professionnel ». Mais pour « appuyer », il faut faire pression, il faut que cela pèse. Si arrêter de travailler ne pèse sur rien ni sur personne, faire grève ne sert à rien.

C’est cela qui est complexe lorsqu’on fait grève dans un service public. Comment peser pour être entendu, sans trop nuire à ceux qui n’y sont pour rien ? Cette question a été tranchée en 2008 par l’instauration obligatoire d’un service minimum d’accueil dans les écoles maternelles et élémentaires si plus de 25 % des enseignants sont grévistes. L’État utilise le salaire non versé aux grévistes pour payer du personnel mobilisé pour ce service minimum (110 euros pour garder 15 enfants).

De nombreuses villes n’appliquent pas ce service minimum, pour des raisons matérielles ou parce que les maires estiment que c’est une atteinte au droit de grève des enseignants. Lorsque le service minimum d’accueil existe, beaucoup de parents qui comprennent les revendications des enseignants se débrouillent comme ils peuvent pour garder ou faire garder leurs enfants. Ils aident ainsi à ce que la grève se voit (qu’il y ait très peu d’enfants à l’école), que ce jour de grève ne soit pas un jour comme un autre. C’est l’occasion aussi de parler aux enfants de ce qui se passe, du pourquoi la classe n’est pas assurée, de ce qu’est une grève, etc. Les Français sont en effet très attachés au droit de grève. Cependant certains parents isolés, sans aucune solution de garde ou de télétravail, seraient obligés de poser un jour de congé, et ne peuvent pas faire autrement que de déposer leur enfant dans un lieu d’accueil. Avant la loi de 2008 des lieux d’accueil pour ces enfants existaient d’ailleurs déjà.

Mais lorsque les législateurs ont inscrit le concept de « service minimum » dans la loi, ils n’ont pas mis le qualificatif « minimum » par hasard. Cette loi a veillé à ce que la grève des enseignants se voit, qu’elle pèse, pour garder son sens. Aussi lorsque le maire de Clamart, très régulièrement, comme en avril dernier à l’école La Fontaine, un jour de grève contre la réforme des retraites, paye une troupe pour offrir un spectacle aux enfants de l’école (alors qu’aucun spectacle de ce genre n’est payé aux enfants de l’école par la mairie les autres jours de l’année), il fait un geste clairement politique. Il invite d’ailleurs France 2 en avril à venir filmer sa conception du service d’accueil. Ce service n’est plus minimal. Le maire se substitue à l’équipe enseignante (c’est elle habituellement qui construit des spectacles avec les enfants), et fait ce qu’il faut pour que l’absence des enseignants grévistes passe plus qu’inaperçue. Ce n’est plus la grève, c’est même la fête.

La loi a cherché à garantir une préservation du droit de grève. Le maire met un pas dans la porte pour que ce droit perde son sens dans les écoles publiques. L’école publique et le droit de grève ne sont pas dans son ADN.

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